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C’est désormais officiel : l’Allemagne ne soutiendra pas le très controversé projet européen « Chat Control ». Présenté comme une mesure pour lutter contre la pédopornographie, le texte prévoyait de forcer les applications de messagerie à briser le chiffrement et à scanner automatiquement tous les messages des utilisateurs. Mais Berlin a décidé de s’y opposer, estimant que ses conséquences sur la vie privée seraient disproportionnées. Faute de majorité, le vote prévu pour le 14 octobre a été annulé. La menace, toutefois, n’a pas complètement disparu.
Un projet aux lourdes conséquences pour la vie privée
Le règlement sur les abus sexuels sur mineurs (CSAR), proposé par la Commission européenne en 2022, visait à imposer aux plateformes de messagerie de détecter automatiquement les contenus illégaux et d’en informer les autorités. Si la lutte contre la pédopornographie fait consensus, les moyens proposés ont suscité une levée de boucliers. En brisant le chiffrement de bout en bout, chaque message privé envoyé par un citoyen européen aurait pu être scanné, ouvrant la porte à une surveillance de masse.
Les défenseurs de la vie privée craignent par ailleurs une dérive progressive : une fois les outils de surveillance en place, il serait tentant pour les États d’en étendre l’usage à d’autres domaines, transformant une mesure ciblée en un mécanisme permanent d’espionnage numérique.
L’Allemagne met son veto
Les États membres étaient profondément divisés. Quinze pays, dont la France, l’Italie et l’Espagne, soutenaient le projet. Huit autres, dont les Pays-Bas, s’y opposaient. La position de l’Allemagne, longtemps incertaine, était donc décisive.
Mercredi, la ministre allemande de la Justice, Stefanie Hubig, a tranché : « Je m’engage pleinement à combattre les crimes les plus graves, mais même les pires infractions ne justifient pas de sacrifier nos libertés fondamentales. » Elle a confirmé que l’Allemagne refuserait de soutenir de telles mesures au niveau européen.
Une victoire fragile pour les défenseurs des libertés
La décision allemande enterre pour l’instant Chat Control. Patrick Breyer, figure de proue du mouvement anti-surveillance, a salué « une victoire majeure pour la liberté numérique », tout en prévenant que le combat était loin d’être terminé.
Selon lui, les partisans du projet cherchent déjà à revenir à la charge sous une autre forme, notamment à travers la mise en place d’un « filtre de téléchargement » qui analyserait les fichiers avant leur envoi. Autrement dit, la bataille pour la protection de la vie privée en Europe est encore loin d’être gagnée.